mardi 1 octobre 2013

Pourquoi tant d'amour ?



Il y a deux sortes de lecteurs, ceux pour qui je suis une entité abstraite, et ceux pour qui je suis une réalité tangible. Tous réunis, ça ne représente pas une foule immense, vu que nous évoquons ici les lecteurs d'un blog confidentiel d'une haute tenue morale, destiné à une élite intellectuelle et que d'autre part, je ne suis pas facile à attraper.

Pour ceux qui ne feraient pas partie de l'élite et qui seraient arrivés là en cherchant des nouilles ou le blog de Boulet, "tangible" ça veut dire "qu'on peut toucher". 

 Autant l'avouer, pendant longtemps, j'ai trouvé ça carrément dégoutant. 

Je ne voyais pas pourquoi des gens, même bien intentionnés, se permettaient de mettre en contact des morceaux d'eux même avec mon corps d'albâtre aux reflets ambrés, gracieux comme un pâtre antique à la peau salée par les embruns. 
Même une poignée de main a quelque chose de répugnant quant on songe à la quantité d'endroits plus ou moins propres où peuvent trainer des doigts.

Mais c'est surtout contre cette curieuse pratique du bisou sur la joue que je me suis longtemps opposé.
Le petit Marcel s'est longtemps couché de bonne heure, moi, longtemps je me suis opposé, chacun son truc.
 Je suis allé jusqu'à tenter de repousser les plus audacieuses avances par une barbe de trois jours imprégnée de curare, mais rien n'y fait. La moindre inconnue qu'on me présente pense qu'il est nécessaire de manifester une affection à mon endroit disproportionnée avec notre relation naissante en me gratifiant soit d'un bisou mouillé, soit d'un simulacre d'embrassade ( de Pologne à Paris ), dont l'indifférence humiliante n'échappe à personne.

Déposer un chaste baisé sur la joue d'une péronnelle qui vient d'arriver dans un endroit situé quelque part où je me trouve, si j'ai la chance d'être en pole position, à la rigueur, je peux me laisser tenter. 
Il en existe quelques unes à travers le monde pour qui j'ai une réelle affection, mais voir arriver vers moi la même créature après qu'elle ait été souillée par l'haleine douteuse et les sécrétions labiales de la moitié de l'équipe de rugby, me pose tout de même un problème d'hygiène élémentaire.
Je n'arrive pas à m'ôter de l'idée que je ne serais jamais allé de mon plein gré poser mes lèvres finement ourlées de pâtre antique ( à la peau salée par les embruns), sur celles de ces fiers gaillards gavés de gras de canard et d'Armagnac.
Or, d'un point de vue bactérien, c'est ce qu'il est en train d'arriver lorsque se présente la joue encore humide de la pauvre hère contrainte par les conventions collectives de la société du simulacre à subir ce marathon salivaire.
Il faut voir dans cette évocation de l'équipe de rugby, une métaphore de toute réunion de plus de deux personnes, car  vous imaginez bien que je ne fréquente pas d'animaux d'élevages.
Il m'est arrivé à maintes reprises de tendre une main qui se voulait ferme et décidée vers gentes dames et damoiseaux, dans l'espoir de leur signifier qu'une poignée de main virile comblerait tout à fait mes attentes affectives et leur épargnerait ce contact douteux avec mon maxillaire hirsute, mais force est de constater que ce geste plein de prévenance passe pour une muflerie autistique.

Je me suis un temps amusé à dire : " Non merci, sans façon, je n'embrasse pas." 
Ce qui est idéal pour passer pour un débile mental.

Ou encore :  " excusez-moi, par souci d'hygiène et dans le but de préserver la fraîcheur et le taux hygrométrique de votre épiderme, je vous propose de remettre cette effusion à plus tard. Peut-être, dans un futur que je souhaite proche, lorsque notre relation aura pris un caractère plus personnel, pourrons nous avec sincérité nous lancer dans d'affectueuses étreintes. Pour l'heure, il me semble qu'une simple accolade est plus convenable."

Sincèrement, je ne vous le conseille pas.

Après d'infructueuses stratégies d'évitement, il m'est apparu plus simple d'accepter cette coutume primitive et de me laver les joues régulièrement.


La photo du jour : L'Évangile selon ma main dans ta gueule



2 commentaires:

A.DAN a dit…

un jour, une madame commença l'embrassade - alors que ses mains m'étreignaient déjà puissamment les épaules - affirmant que chez elle "c'était 3" (bises, je précise) ... ne la laissant pas finir je précisais à mon tour que chez moi, dans l'Ariège reculé, on mettait toujours la langue.

Efficace. Mais bon, comme tu dis aussi: si tu souhaites ne pas passer pour le consanguin de la soirée, je déconseille.

Michel Loiseau a dit…

Ainsi donc, c'est donc Ariège reculé tandis que c'est Bordelais enculé (con). Je note, ça peut servir.
Pour nous autres, en Périgord arriéré, on a une méthode pour se prémunir des bisous intempestifs. Je l'ai adoptée. Elle consiste en une hygiène bucco-dentaire très approximative et en une haleine des plus fétides. Les moins farouches des moins craintives des femelles n'insistent généralement pas.